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mante et toujours égale ; elle contoit avec un agrément infini ; sa mémoire étoit inépuisable en anecdotes courtes et plaisantes. Je ne l’ai jamais entendue en répéter une, à moins qu’elle ne lui fut redemandée. Incapable, par caractère et par principes, de faire une méchanceté, elle étoit aussi bonne qu’aimable.

La vieille comtesse de Montauban, mère de madame de Clermont, étoit aussi une bonne personne, mais qui n’avoit de remarquable qu’une gourmandise et une distraction plaisantes. Elle ne manquoit pas d’esprit, elle étoit même auteur ; elle avoit fait imprimer un conte oriental de sa composition ; c’étoit une insipide production, mais qui cependant n’étoit point ridicule. Elle étoit très-joueuse, plus par habitude et par désœuvrement, que par goût. Un jour, en jouant au pharaon, elle fit ce qu’on appelle un paroli de campagne, c’est-à-dire mal à propos à son avantage ; le banquier le remarqua, et lui en fit avec politesse l’observation ; elle répondit sans s’émouvoir : « Cela peut être, mais c’est un empressement bien pardonnable à un ponte. » Une autre fois, un gros joueur, debout derrière elle, passa le bras par-dessus son épaule pour prendre une