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phe ; mais on ne se défie point assez d’une infinité de petits sentimens puériles qui ne présentent rien de vicieux, et qui, peu à peu, nous maîtrisent et nous engagent dans de fausses routes. Dans la conduite de la vie, une manière pernicieuse de se décider est de ne considérer une action que par ce qu’elle est en elle-même, et de rassurer sa conscience en se répétant qu’elle n’a rien de répréhensible. Il faut surtout réfléchir à ses conséquences, et bien examiner si notre situation, notre caractère, nos sentimens particuliers ne la rendent pas ou dangereuse ou condamnable pour nous. Lorsqu’on a du penchant pour une chose, on se garde bien de calculer ainsi, et c’est cependant alors ce qu’il faudroit faire.

Je sortis à neuf heures du matin de ma chambre. Je tremblois ; il me sembloit que je m’évadois comme une coupable… Je rencontrai sur l’escalier plusieurs domestiques qui me dirent adieu en pleurant ; le bon Milot sanglotoit : « Ah ! me dit-il, que madame sera malheureuse à son réveil !… Ô madame la comtesse, pourquoi nous quittez-vous ? on ne vous aimera jamais ailleurs comme on vous aimoit ici… » Ce furent ses propres paroles ; elles pé-