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substituer son suffrage au témoignage de ma conscience ; j’avois eu dans mon enfance un sentiment de ce genre pour mademoiselle de Mars ; en tout, j’ai toujours mis mon amour-propre et ma gloire, non dans l’opinion générale, mais dans celle des personnes que j’ai véritablement aimées. C’est une espèce d’idolâtrie que la religion peut anéantir quand elle est bien fortifiée et bien entendue, mais dont elle ne garantit pas toujours : au reste, cette idolâtrie, si dangereuse, n’a jamais pu rabaisser mon âme, car je n’ai jamais aimé que par admiration, fondée ou non, et j’ai poussé au dernier excès l’exaltation des sentimens, parce que j’ai cru qu’elle étoit nécessaire pour mériter et pour conserver l’attachement que j’inspirois. J’avois, pour madame de Puisieux, une affection véritablement filiale, et cependant je n’avois pas en elle une confiance entière ; je haïssois, comme elle, les subtilités d’esprit, mais j’aimois les raffinemens de sentimens, et elle ne les concevoit même pas ; elle n’avoit rien de romanesque dans le caractère, et il y avoit beaucoup d’idéal dans ma tête et dans mon imagination : si je lui eusse parlé sur toutes choses à cœur ouvert,