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causé tant de trouble et d’émotion, devint pour moi, par la suite, un instrument ordinaire !… Les seules impressions sur lesquelles on ne se blase point, sont celles qui tiennent à des sentimens religieux, parce que celles-là seules doivent nous survivre.

Outre la romance dont je viens de parler, je fis, dans le cours de cette année, un éloge en prose de madame de Custines, que j’ai perdu avec beaucoup d’autres manuscrits. Madame de Custines mourut à vingt-quatre ans ; elle avoit six mois de plus que moi. Mariée à dix-sept ans, elle passa sept années dans le monde, pour y offrir le modèle de la plus rare perfection. Sa vie fut courte, mais pure, irréprochable et parfaitement heureuse. Je n’ai jamais vu dans la jeunesse avec une beauté remarquable, une raison si ferme, des principes et une piété si austères, réunis à tant de gaieté, de douceur et d’indulgence ; elle n’alla jamais aux spectacles et aux bals, mais elle trouvoit tout simple que ses amies y allassent. « Je suis sûre, me disoit-elle, puisque vous vous livrez à ces amusemens qu’ils ne sont pas dangereux pour vous, et peut-être le seroient-ils pour moi. » Presque toujours, quand j’allois au bal, je soupois chez