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émaillée en noir, avec ces mots écrits autour : Ne l’oubliez jamais. J’ai conservé précieusement cette clef pendant sept ans, ensuite elle m’a été volée à Villers-Cotterets, avec une épingle de diamans et quelques autres petits bijoux. Je me promis de ne jamais jouer sur la harpe de madame de Custines, que des adages, et des romances plaintives. La première chose que je jouai sur cet instrument fut une romance sur la mort de cette incomparable amie, et qui contenoit son éloge : elle avoit six couplets, elle étoit sur l’air de Gabrielle de Vergi ; je l’ai oubliée, et j’en suis fâchée, car elle étoit touchante. Quand je la chantai pour la première fois, il me fut impossible d’achever le premier couplet ; le premier accord que je fis sur cette harpe, me causa une espèce de saisissement inexprimable, il me sembloit que c’étoit mon amie elle-même qui me parloit, et me répondoit du fond de la tombe !… C’est une chose extraordinaire que l’infidélité de nos impressions, et comme l’habitude les affoiblit et les efface !… Cette harpe sur laquelle je n’avois pu jeter les yeux sans fondre en larmes quand on me l’apporta, cette harpe dont les sons m’avoient