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plus du tout. Je la regardai : elle étoit pâle, mais il n’y avoit rien de décomposé dans ses traits, et je fus même si frappée de sa beauté, que j’allai chercher le vicomte, qui étoit resté dans le salon ; il nous fut impossible de ne pas reprendre de l’espérance. C’étoit un dimanche à huit heures madame de Custines me demanda de lire la messe tout haut, ensuite elle me pressa d’y aller, en m’assurant qu’elle se trouvoit parfaitement bien. J’en fus moi-même persuadée ; elle m’embrassa et se fit apporter le livre d’heures dont elle se servoit de préférence, elle me le donna en me disant : Conservez-le toujours. Ces paroles me firent frissonner ! Je la quittai ; quand j’eus fait quelques pas, elle dit : Priez Dieu pour moi… Ce furent les dernières paroles que j’aie entendues d’elle !… J’allai à la messe, je revins au bout de trois quarts d’heure, elle n’existoit plus ! elle venoit d’expirer[1] !…

  1. Il étoit dans la destinée de madame de Custines, de ne devoir qu’à elle seule ses vertus et sa réputation : elle n’eut, pour la conduire dans le monde, ni guide ni mentor ; sa belle-mère vivoit en Lorraine, et, cependant sans surveillance et sans conseils, elle ne fit pas une faute, parce que, ferme dans ses principes et timide dans ses