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tout en larmes, vint sur le haut de l’escalier me recevoir avec des transports inexprimables ; elle m’apprit tous les désastres de cette funeste soirée ; ce qui les avoit causés étoient de petites rigoles fort peu profondes sur la place Louis XV ; la foule, en se pressant, ne les vit point, ces rigoles firent tomber ceux qui les rencontrèrent, et les autres les écrasèrent ou les étouffèrent. Madame de Puisieux, pour la première fois depuis son veuvage, avoit soupé dehors, chez madame d’Egmont. À deux pas de l’hôtel d’Egmont étoit un corps-de-garde, près de la place Louis XV ; on y apporta une multitude de cadavres que l’on essaya vainement de rappeler à la vie ; ce fut ainsi que madame de Puisieux apprit cette horrible catastrophe. Le lendemain fut un jour de désolation, surtout parmi le peuple et les artisans ; il n’y eut presque personne, dans cette classe, qui n’eût un malheur à déplorer. Milot, maître-d’hôtel de madame de Puisieux, perdit un cousin germain ; ma femme de chambre alla reconnoître à la Morgue le cadavre de sa sœur, jeune fille de vingt ans, en apprentissage chez un fourreur. Toutes les personnes de notre connoissance nous contèrent