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aigrit de plus en plus son père contre lui. En même temps, elle se plaignoit sans cesse de lui en confidence à ses amis, sans rien citer, mais avec des soupirs et des réticences qui donnoient à penser tout ce qu’on vouloit : c’étoit sa manière. C’est ainsi qu’elle s’est toujours plainte de moi avec le ton le plus sentimental, et sans pouvoir citer un seul mauvais procédé. Ce qu’il y a de vrai, c’est que M. le duc de Chartres n’a jamais eu avec elle l’apparence d’un tort, et même lorsque ses amis, entre autres M. de Fitz-James[1], l’avertissoient qu’elle ne perdoit pas une occasion de décrier son caractère et sa conduite. Les plus funestes préventions prises contre ce malheureux prince ont été données par elle. Cet acharnement a été tel, que beaucoup de personnes ont pensé qu’il ne pouvoit venir que d’un sentiment trop vif qui avoit été dédaigné : ce que je crois absolument faux. M. le duc de Chartres n’étoit point un Hippolyte, ma tante ne ressembloit point à Phèdre ; elle n’avoit de

  1. Le duc de Fitz-James étoit petit-fils du célèbre maréchal de Berwick, fils naturel du duc d’York, frère de Charles II, et connu depuis sous le nom de Jacques II, roi d’Angleterre.
    (Note de l’éditeur.)