Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là, elle aime le changement, parce qu’elle a besoin de mouvement ; pour regretter il faut avoir pu comparer, il faut que le temps ait formé des souvenirs, qu’il ait pu même les mûrir par de longues réflexions ! Le voyage fut long parce que ma mère voyagea avec ses chevaux, et fit une partie de la route sur la Loire, dans un grand bateau qui contenoit avec nous notre voiture et nos chevaux. Nous séjournâmes, à Orléans chez une amie de ma mère, où je repris mes habits de femme pour ne plus les quitter. Là je lus pour la première fois Télémaque, et, loin d’en sentir la beauté, je le trouvai fort inférieur à Clélie ; malgré ce beau jugement, il fallut l’achever par complaisance pour mademoiselle de Mars, car nous passions presque toute la journée dans notre chambre. Ma mère nous y renvoyoit presque aussitôt après le dîner, à l’exception de deux soirées où l’on me fit chanter, jouer du clavecin, et déclamer le monologue d’Alzire :


Mânes de mon amant, j’ai donc trahi ma foi, etc.


et devant une très-nombreuse assemblée.

Nous arrivâmes à Paris sur la fin de l’été,