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mériter, M. le prince de Conti jouoit le tyran, tandis qu’au fond de l’âme il étoit rempli d’humanité[1].

Je trouvois au prince de Conti une très-belle représentation, une majestueuse et belle figure, et beaucoup d’esprit, mais je n’ai jamais pu m’accoutumer à lui, ni vaincre l’embarras qu’il m’inspiroit : il y avoit dans sa manière de regarder quelque chose de scrutateur qui me déconcertoit. Malgré les préventions de mesdames de Luxembourg et de Bouflers

  1. La vieille comtesse de Rochambeau m’a conté de lui un joli trait de galanterie et de magnificence. Madame de Blot, dans sa jeunesse, dit un jour, en présence de ce prince, qu’elle vouloit avoir le portrait en miniature de son serin dans une bague. M. le prince de Conti offrit de faire faire le portrait et la bague, ce que madame de Blot accepta, à condition que la bague seroit montée de la manière la plus simple, et qu’elle n’auroit aucun entourage. En effet, la bague n’eut qu’un petit cercle d’or, mais, au lieu de cristal pour recouvrir la peinture, on employa un gros diamant que l’on rendit aussi mince qu’une glace. Madame de Blot s’aperçut de cette magnificence, elle fit démonter la bague et renvoya le diamant ; alors M. le prince de Conti fit broyer et réduire en poudre ce diamant, et s’en servit pour sécher l’encre du billet qu’il écrivit à ce sujet à madame de Blot.
    (Note de l’auteur.)