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ce qu’on appelle de l’esprit, elle ne disoit point de jolis mots ; mais elle étoit bien loin d’être bornée, elle étoit même née avec une très-bonne tête ; par exemple, elle calculoit à cet âge d’une manière surprenante, avec une facilité à laquelle il m’eût été impossible d’atteindre ; par la suite, elle a montré une très-grande intelligence dans les affaires. Elle avoit naturellement un fort bon caractère, n’ayant de défauts qu’un enfantillage qui lui donnoit de petites obstinations de contrariété. En même temps elle prenoit, et franchement, part à tout ce qui plaisoit aux autres, à une chose sérieuse ainsi qu’à une folie de gaieté. Nos lectures l’intéressoient véritablement ; et si je lui proposois un tour de pensionnaire, elle y consentoit de tout son cœur. Il y avoit à Genlis la plus grande baignoire que j’aie jamais vue, on auroit pu y tenir à l’aise quatre personnes. Un jour je proposai à ma belle-sœur de nous y baigner dans du lait pur, et d’aller acheter, dans les environs, tout le lait des fermes. Nous nous déguisâmes en paysannes ; et, montées sur des ânes, et conduites par le charretier Jean, mon premier maître d’équitation, nous partîmes de Genlis à six heures du matin, et nous