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moyen, de concert avec M. de Genlis, sans se compromettre, de le faire évader de prison, à onze heures du soir, de l’amener dans notre maison, où on l’enferma dans le cabinet de M. de Genlis. M. le comte d’Audick me donnoit un souper dansant ; j’y fus d’une extrême distraction, ne pensant qu’à notre déserteur que j’avois peur qu’on ne nous reprit. Je quittai la fête à minuit et demi. Nous avions fait demander les portes au commandant pour deux heures on ne pouvoit les ouvrir à une telle heure dans une ville de guerre qu’avec une permission particulière. M. de Genlis fit prendre au déserteur un habit de sa livrée ; nous partîmes à une heure et demie ; le déserteur monta derrière notre voiture. En passant la porte de la ville, je n’avois pas une goutte de sang dans les veines, tant je craignois pour ce pauvre déserteur. À quatre lieues d’Arras, il trouva un cheval sur la grande route ; nous nous arrêtâmes ; il vint à la portière pour nous remercier ; je pleurois de joie de le voir sauvé ! M. de Genlis me dit de l’embrasser, ce que je fis de tout mon cœur. Contribuer à sauver la vie d’un homme est un bonheur qui laisse un souvenir ineffaçable.