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sues, et c’est dommage, car elle avoit beaucoup de dispositions pour la poésie. Le jour où elle eut quatorze ans accomplis on lui fit prendre le voile. Sa mère ne venoit la voir que tous les six mois tout au plus ; mademoiselle de Mézières, qui n’en avoit jamais reçu une seule caresse, n’osoit ni parler, ni lever les yeux en sa présence, et se contentoit d’écouter en silence les lieux communs que débitoit madame de La Haie, sur les dangers du monde et les douceurs du cloître. Ma mère avoit à peine atteint sa seizième année lorsque madame de La Haie lui déclara qu’il falloit faire ses vœux et s’engager irrévocablement ; ma mère pleura, on n’en tint compte, et l’on désigna un jour du mois suivant pour la cérémonie. Ce jour arrivé, ma mère déclara nettement qu’on auroit bien la puissance de la conduire à l’église, mais que là, au lieu de prononcer le oui irrévocable, elle diroit non. L’abbesse assura madame de La Haie, qu’elle le feroit certainement, qu’elle l’avoit annoncé depuis l’enfance, qu’elle avoit un caractère très-décidé, et que toute violence à cet égard ne serviroit qu’à donner au public un scandale odieux. Madame de La Haie fut outrée, mais il fallut céder. Ma mère reprit ce