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un instant après, lui demanda s’il étoit vrai que l’Allemagne fût sa patrie. Il secoua la tête d’un air mystérieux, et poussant un profond soupir : « Tout ce que je puis vous dire sur ma naissance, répondit-il, c’est qu’à sept ans j’errois au fond des forêts avec mon gouverneur, … et que ma tête étoit mise à prix !… » Ces paroles me firent frissonner, car je ne mettois pas en doute la sincérité de cette grande confidence… « La veille de ma fuite, continua M. de Saint-Germain, ma mère, que je ne devois plus revoir !… attacha son portrait à mon bras !… » — « Ah Dieu ! » m’écriai-je. À cette exclamation M. de Saint-Germain me regarda, et parut s’attendrir en voyant que j’avois les yeux remplis de larmes. « Je vais vous le montrer, » reprit-il. À ces mots il retroussa sa manche, et il détacha un bracelet parfaitement peint en émail, et représentant une très-belle femme. Je contemplai ce portrait avec la plus vive émotion. M. de Saint-Germain n’ajouta rien et changea de conversation. Lorsqu’il fut parti, j’eus un grand chagrin, celui d’entendre ma mère se moquer de sa proscription, et de la reine sa mère, car cette tête mise à prix dès l’âge de sept ans, cette