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À cette imploration, et malgré leur détresse visible, Jean et Julien ne purent s’empêcher de rire.

— Parbleu ! maman, si nous sommes gelés, allumez une belle flambée et la chaleur nous soulagera plus vite que vos incantations, déclara Jean.

À ces mots qui rompirent le charme, Nonna, Anne et les sabotiers se rapprochèrent des longs-courriers et osèrent en toucher les manches humides.

— Pourquoi êtes-vous mouillés ? Et pourquoi ces costumes blancs avec ces manteaux noirs sur les épaules ? demandèrent-ils.

— Si nous sommes vêtus de toile blanche, répondit Jean, c’est par une idée ridicule. Nous voulions nous montrer à vous dans les élégants uniformes que nous portons au beau soleil de la Méditerranée, à notre bord. Et si nous sommes trempés, c’est qu’on vient de nous jeter dans l’étang de Plomer.

Dans le silence pénible qui avait accueilli la déclaration de son frère, Julien ajouta tristement :

— Vous n’auriez pas dû nous écrire de rentrer au pays. Ils n’ont rien oublié, ceux de Ploudaniou.

Les jeunes filles en larmes voulurent embrasser les marins, mais lorsque Nonna et Anne sentirent les bras glacés de leurs fiancés se refermer sur leurs épaules, elles frissonnèrent d’angoisse. Était-il possible que des vivants fussent aussi dépouillés de chaleur ?

Jean prit place sur le banc engagé sous le manteau de la cheminée et Nonna s’assit peureusement près de lui. En face d’eux, Julien et Anna se placèrent sur deux billots. Agenouillés devant le foyer qu’ils ne cessaient de harceler pour en exciter la combustion, les sabotiers attendaient que leurs fils voulussent bien leur apprendre quels misérables avaient essayé de les noyer. Enfin, Jean parla d’une voix monotone, comme si l’attentat dont ils venaient d’être victimes était un événement très ancien.

— Le train, très en retard, nous déposa sur le quai de Pont-l’Abbé à l’entrée de la nuit. Un cultivateur voulut bien nous conduire dans sa carriole jusqu’au Minihy. Là, nous dûmes marcher dans une telle obscurité, qu’au lieu d’atteindre directement Poultriel, nous nous trouvâmes de l’autre côté du port de Ploudaniou. Un équipage, quittant