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les siècles ont empreint le passé. En avant de quels lointains paysages la construction massive apparait, changeant les maisons, les arbres, en apparitions légères qu’un souffle emporterait !

Le peintre quitte son paysage à l’automne, il le retrouve au printemps. Son Moret, son Loing, son pont, son moulin revivent dans la saison nouvelle. La jeunesse de la lumière transfigure la vieillesse des pierres. Au ciel, de légers cirrus voyagent, blancs comme le plumage des cygnes, et comme les cygnes se mouvant avec une majesté lente, sur le bleu profond du ciel semblable à un lac. L’eau de la rivière charrie, dirait-on, des pétales de roses, reflets tombés dans l’eau verte. Le courant est allègre et frémissant au contact des troncs grêles des arbres au feuillage vert tendre. Ce qui était une coulée de limon noir est devenu une corbeille triomphale bigarrée d’herbes et de fleurs éclatantes. Des lianes émergent à la surface miroitante de l’eau, comme avides de prendre leur part de la fête de la lumière. Sisley peint ces radieux poèmes à petits coups délicats de brosse, à menues touches passant du vert au rouge, du bleu au jaune, pures, diaprées, brillantes comme des pépites découvertes au soleil.

Les saisons passent, le froid revient, l’eau limoneuse

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