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Une immense bonté tombait du firmament...

La joie paisible d’une matinée de Septembre s’éclaire des feux roses de l’aurore, une ligne de bouleaux aux troncs d’argent luit dans la campagne. L’eau vive reflète un village, la rive d’herbe encore verte est humide de rosée, une ample rangée de peupliers épouse la courbe de la rivière. Une femme se promène. Un prodige accorde ces deux aspects si différents, l’un rose, mauve et diffus, l’autre âpre et vert. Autres aspects. Le crépuscule s’oppose à l’aurore. Il fait jour encore dans le ciel, mais sombre sur la terre. Un bois appartient déjà à la nuit. C’est l’hiver. Du sol noir s’élancent, plus noirs encore, noueux, tordus, des squelettes de pommiers. Leurs branches, sur la pâleur du ciel crépusculaire, se détachent en bras de suppliants. On songe à tant de soirs parmi les champs, les sentiers, où l’on a cru voir les arbres dépouillés, agités par le vent, gesticuler une danse macabre au-dessus des talus et des haies.

Peu à peu, l’art de Sisley s’achemine vers la région où il trouvera son asile. Il peint les prairies et les vergers de Thomery, se délecte au vert émeraude de l’herbe, au robuste noyer de feuillage dru, à l’ombre dense où s’abritent des silhouettes claires d’enfants. La rivière brille

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