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pêcheurs sur des barques amarrées à des pieux, des laveuses. Au fond, cependant, sur le coteau boisé, un essaim de maisonnettes blanches.

Seul avec la nature, Sisley n’a point de ces sombres accents. Je le préfère solitaire. Là, il apprend son métier. Il évoque un village au bord de l’eau, songe à Corot devant la rivière et le ciel, à Courbet devant le sol et les arbres. Sisley, peintre des peupliers argentés qui frémissent dans l’air, des fleuves aux allègres courbes qui recueillent au passage et mêlent puissamment les reflets des choses immobiles sur les rives, Sisley, nerveux chantre de l’instable, du perpétuel devenir, s’arrête parfois à conter le paisible bonheur d’un village endormi sous un ciel sans tourment, au bord d’une rivière qui répète en profondeur et en surface les images des murs bas, des chènes mordorés.

Ce n’est que le commencement de Sisley. Dès 1877, devant Saint-Cloud, sa personnalité s’anime, il approfondit le ciel bleu où des nuages d’argent s’amoncellent, où l’air circule derrière les cumulus. La colline couronnée de l’église monte verte et blanche des frondaisons et des villas qui dévalent jusqu’au pont aux larges arches sur la Seine. Les peupliers d’Italie, touffus, d’un vert plus

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