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récompenses, et il faut voir comme les parents sont heureux et fiers quand leur enfant a remporté le prix de dictée à l’école primaire ou au collège. Or, j’ai beau lire et relire les anciens plans d’études, les programmes des petites écoles et des collèges avant et pendant la Révolution, l’orthographe n’y figure à aucun titre. Le bon Rollin se plaint même, au commencement de son Traité des études, que cette partie de la grammaire soit assez ordinairement « ignorée ou négligée, et quelquefois même par les plus savants. » Ce n’est pas des écoliers qu’il entend parler, mais des hommes faits, et le renseignement est bon à recueillir. « Ce défaut, ajoute Rollin, selon toutes les apparences vient de ce qu’ils n’y ont pas été exercés de bonne heure. » Il avertit donc les maîtres d’y donner un soin particulier. Un peu plus loin il émet le vœu que les régents d’un même collège s’entendent sur la façon d’écrire debvoir ou devoir, tiltre on titre, poulmon ou poumon, etc., et cela pour que les écoliers « ne soient pas obligés de changer d’orthographe à mesure qu’ils changeront de classe. » Il est vrai qu’en changeant de collège ils étaient exposés au même inconvénient. Les ouvrages classiques du jésuite Buffier, ceux qu’il destinait aux « pensionnaires du collège Louis-le-Grand, ses élèves, » sont orthographiés de la manière la plus bizarre ; il écrit géografie, cronologie, histoire universèle, litérature, sience, périfrases, strophes[1], idile, poésie lirique, entousiasme, Jésus-Chrit et christianisme[2] ; c’est vraiment la tour de Babel.

Si les choses se passaient de la sorte en 1726, alors que Voltaire avait trente ans, on peut juger de la façon dont l’orthographe était traitée dans les collèges sous le règne de Louis XIV. Pourquoi d’ailleurs se serait-on

  1. Note de Wikisource : Il faut certainement lire plutôt : strofes.
  2. Ibid. : Crist, cristianisme