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arriver en somme à dessiner de mémoire, sans en omettre ou sans en altérer une seule, les différentes lettres dont se composent les mots. On parvient, disent ces modérés, à orthographier convenablement le français moderne ; mais si par malheur on cherche à s’instruire davantage, les résultats acquis vont se trouver compromis. Apprendre l’espagnol ou l’italien, c’est déjà bien dangereux à ce point de vue, on risque d’écrire ortografe ou filosofie ! Que sera-ce, si l’on a la curiosité de lire nos vieux auteurs dans les anciennes éditions, si l’on songe en écrivant aux lois de l’étymologie, de l’analogie ou de la phonétique ? Un membre de l’Institut qui savait le français aussi parfaitement que possible, Charles Thurot, avouait avec une simplicité charmante que l’orthographe d’usage le mettait chaque jour dans le plus grand embarras. « Si je réfléchis en écrivant un mot douteux, disait-il parfois à ses élèves de l’École normale, je suis perdu, j’écris aggrégation, allourdir, consonance, etc., je n’ai plus alors qu’une ressource, je laisse aller ma plume en songeant à autre chose, et je me demande ensuite si les mots tels que je viens de les écrire m’auraient ou non attiré des réprimandes quand j’étais écolier. » Et voilà où en arrivent ceux qui cherchent encore à s’instruire quand ils ne sont plus sur les bancs de l’école !

Frappés de ces inconvénients, des hommes qui ne sont ni conservateurs à outrance ni révolutionnaires voudraient que l’on fît enfin quelque chose pour tâcher d’y remédier. Voilà pourquoi, dans ces derniers temps, on a vu des universitaires, des membres de l’Institut, des professeurs de français à la Sorbonne et au Collège de France réclamer des réformes et obtenir gain de cause dans une certaine mesure. On a dressé une sorte