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MÉLANGES DE LITTÉRATURE ET D’HISTOIRE

peut s’exprimer ainsi, une dirigée dirigeante. Il va s’établir entre son père spirituel et elle une correspondance suivie, mais c’est elle qui règle tout. Le messager qui porte les lettres est à sa dévotion ; pas de réponses possibles s’il ne vient pas à Paris. Mais Jeanne croit avoir besoin de conseils, et plus encore d’instructions ; il lui faut environ quatre lettres par an, et à moins de circonstances extraordinaires elle les aura.

Lettres et réponses se sont en effet succédé avec une certaine régularité pendant six ans, jusqu’à la mort du Père de Bray, survenue en 1699. Il y a dix-neuf lettres de la solitaire et dix-huit réponses de son directeur, et c’est dans cette correspondance admirable que nous allons maintenant puiser à pleines mains. Nous y trouverons les détails les plus invraisemblables sur la vie de la Solitaire, et nous y verrons, ce qui est infiniment curieux, où peut conduire ce que saint Paul appelait jadis la folie de la croix.

IV

Lorsque Jeanne eut quitté Paris au mois de mai 1691, elle chercha longtemps sans la trouver une retraite qui pût lui convenir. Elle comprenait en effet la vie solitaire à sa façon : loin des hommes, mais à côté d’eux ; au milieu des rochers les plus inaccessibles, mais à proximité des abbayes qui distribuent du pain aux mendiants ; près des paroisses où l’on peut entendre la messe et recevoir les sacrements. Il lui fallut traverser la France dans toute sa longueur et arriver aux Pyrénées, sans doute dans le département de l’Ariège ou dans celui des Pyrénées-Orientales, pour rencontrer enfin cette Solitude des Rochers, d’où elle écrivit ses