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vel article, plus brutal que le précédent, confondit les deux publications dans une même réprobation ; je disais qu’elles ne méritaient pas d’attirer l’attention des lecteurs qui se respectent. Je reçus alors de l’abbé Fuzet, curé-doyen de Villeneuve-les-Avignon, une lettre tout à fait singulière, datée du 18 mars 1884. L’abbé me priait instamment de ne plus l’attaquer, et il me faisait les confidences les plus inattendues. Il avait reconnu la justesse de mes critiques, et lorsque le professeur de Marseille lui écrivit pour lui demander l’autorisation de le citer, c’est-à-dire de le plagier à son ordinaire, il avait eu la loyauté de lui envoyer, pour le mettre en garde, la mercuriale de la Revue historique. Il n’arrive pas souvent aux critiques de profession de recevoir des lettres aussi humbles je fus profondément touché ; je répondis à l’abbé Fuzet de manière à le rassurer pour l’avenir, et il s’ensuivit une correspondance de plus en plus amicale qui s’est continuée durant trente ans. « Nous étions bien abusés, m’écrivit en style de Pascal le curé de Villeneuve-les-Avignon ; vous me preniez pour un suppôt de l’Univers je pensais que vous étiez un janséniste enragé, passant vos journées à pleurer sur les ruines de PortRoyal entre le portrait de Saint-Cyran et celui de la Mère Angélique. Voyez ce que c’est que l’imagination… Je vous remercie de votre absolution, j’y tenais beaucoup… Signor Ricard est un menteur impudent[1] » Devenu évêque de la Réunion, Mgr Fuzet vint me voir, et je lui rendis aussitôt sa visite, mais nous ne pûmes pas nous rencontrer. En 1892, il fut élevé sur le siège de Beauvais, je pris les devants et je le félicitai en lui rappelant que ce siège avait été refusé à Bossuet en

  1. Lettre du 31 mars 1884.