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chapitre III

sans en devenir meilleur, et je l’ai lu cinq ou six fois[1]. »

Malgré ces témoignages d’estime et d’admiration, les Jésuites, aveuglés par la haine, attaquèrent le livre et l’auteur avec une fureur inouïe, et leur Père Nouet s’emporta contre Arnauld dans une suite de sermons prononcés vingt jours après l’apparition du livre. Il traita son auteur de scorpion, de monstre, de loup déguisé en agneau, qui voulait ruiner l’Église comme Luther et Calvin sous prétexte de la réformer[2]. Mais il était allé trop loin ; les évêques approbateurs se plaignirent hautement, et ils exigèrent une satisfaction que Mazarin n’osa pas leur refuser. Le Père Nouet fut mandé chez le premier ministre, et publiquement, à genoux, assisté de quatre de ses confrères, il se rétracta. Il osa déclarer qu’il n’avait rien dit de ce que les évêques lui reprochaient, et que si, dans la chaleur du discours, il lui était échappé d’en dire quelque chose, il le désavouait et en demandait pardon aux prélats. Il pleurait en proférant ce mensonge, mais c’étaient des pleurs de rage, et ses confrères n’en continuèrent pas moins à attaquer la Fréquente Communion avec une fureur croissante. On peut voir dans les Mémoires d’Hermant les suites de cette grande affaire ; les Jésuites firent jouer les plus grosses machines ; leur Père Pétau écrivit un livre contre Arnauld et il le dédia à la reine régente ; on fit blâmer la Fréquente Communion par le Père Bourgoing, général de l’Oratoire, par des Capucins, par le docteur Launoy et par saint Vincent de Paul, qui se plaignait de voir les communions diminuer

  1. Relation de ce qui s’est passé à Port-Royal depuis 1664.… p.74.
  2. Hermant, I, 216.