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chapitre III

l’exception de trois vieux docteurs, dont un impotent, approuvaient fort cette publication. Les exécuteurs testamentaires de Jansénius, Fromond et Calenus, le firent imprimer secrètement, car ils craignaient les Jésuites, ennemis déclarés de son auteur, mais ces derniers subornèrent un ouvrier qui leur communiqua les bonnes feuilles, et ils firent l’impossible pour empêcher le livre de paraître. Peine perdue, car il fut publié en 1640 sous les auspices du Cardinal-Infant, gouverneur des Pays-Bas, avec privilège du roi d’Espagne et de l’Empereur, et avec approbation de deux censeurs royaux. Le monde religieux l’accueillit avec enthousiasme, le mot n’est pas trop fort, et le neveu de Jansénius a pu faire paraître dès 1642 une longue liste d’approbateurs. L’Augustinus fut réimprimé trois fois, à Rouen et à Paris même, et un si beau succès aurait pu décourager les Jésuites. Mais la haine invétérée se décourage rarement ; ils s’engagèrent à fond, et instruits par l’expérience, ils mirent à profit les très dures leçons que leur avait données l’affaire de Molina. Ils frappèrent à toutes les portes, ils eurent recours à toutes les ruses, ils dépensèrent sans compter, et finalement ils eurent la joie de voir leurs intrigues couronnées de succès.

En France, Richelieu les écouta parce qu’il ne pardonnait pas à l’ami intime de Saint-Cyran son Mars Gallicus de 1635[1], ce pamphlet politique contre l’alliance avec Gustave Adolphe ; il chargea le théologal de Paris, Isaac Habert, futur évêque de Vabres, de prêcher à Notre-Dame contre l’Augustinus ; un docteur à sa dévotion, M. Lemoine fut nommé professeur pour l’attaquer

  1. À Ypres, en 1636, dans des vers léonins à la louange de Jansénius, composés par les Jésuites. Le ’Mars Gallicus était un de ses titres de gloire.