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histoire du mouvement janséniste

voulez-vous que je sois avec vos amis ? Ils ont contre eux la reine régente, le premier ministre et le chancelier[1] ? Cette lettre fâcheuse, dont il ne faudrait pas abuser, prouve simplement que l’admirable instituteur des Filles de la Charité n’était ni un saint Athanase ni un saint Ambroise. Il fut toute sa vie « un peu timide et trop humble avec les puissants, un peu sujet à la crainte d’offenser les personnes de condition », comme dit Sainte-Beuve à la fin de son premier volume[2] dans une des plus belles pages qui soient sorties de sa plume.

Soutenu par le zèle de ses amis, Saint-Cyran supporta sa captivité, cinq années durant, avec une sérénité parfaite. Il écrivit une infinité de lettres « dans le beau château où le roi l’avait fait mettre[3] », il dirigea du haut de son donjon, une foule de personnes, parmi lesquelles on remarque Le Pelletier des Touches, la princesse de Guéméné et Mme de Chantal il composa enfin ses Considérations sur les fêtes où éclate son immense amour pour la Vierge Marie, saint Bernard seul pouvant lui être comparé sous ce rapport. Dans ces différents ouvrages et dans ses lettres, il n’est jamais question des disputes sur la grâce, et on le voit recommander la communion fréquente et même quotidienne. Il continuait à diriger les religieuses de Port-Royal, et, quand il sortit de Vincennes, sa première

  1. Voici les propres termes de cette lettre du 25 juin 1648 : « Quant au second point [de votre lettre] qui concerne la faute que nous avons faite de nous déclarer contre les opinions du temps, voici les raisons qui m’y ont porté. La première est celle de mon emploi au Conseil des choses ecclésiastiques, dans lequel chacun s’est déclaré contre, la reine, M. le cardinal, M. le chancelier et M. le pénitencier. Jugez de là si j’ai pu demeurer neutre. Le succès a fait voir qu’il était expédient d’en user de la sorte. »
  2. Port-Royal, I, 508.
  3. Lettres à sa nièce.