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histoire du mouvement janséniste

les avait si fort malmenés. Le jour où Zamet fit alliance avec eux pour accabler Saint-Cyran, leurs yeux s’ouvrirent à la lumière et ils déclarèrent à Port-Royal tout entier une guerre à mort. Eux aussi dénoncèrent Du Vergier de Hauranne à Richelieu, et ce dernier, qui lui en voulait en raison de sa fière indépendance, de son opposition à la théorie de l’attrition qui sauve les plus grands pécheurs sans qu’ils aient besoin d’aimer Dieu, enfin et surtout parce qu’il ne voulait pas faire annuler le mariage de Gaston d’Orléans, le fit incarcérer à Vincennes, où il fut traité d’abord avec une extrême rigueur. On persécuta en même temps tous ceux qui recevaient ses inspirations ; on dispersa les solitaires de Port-Royal, dont les Jésuites et les Capucins se raillaient agréablement en les appelant des sabotiers et des faiseurs de souliers ; on chassa des petites écoles les enfants que Saint-Cyran formait à la piété ; il fut en un mot la cause première de tous les maux qui fondirent sur Port-Royal.

Mais Saint-Cyran, trahi par le plus enthousiaste de ses admirateurs, ne fut pas abandonné par ses amis. L’aîné des Arnauld, le célèbre Robert d’Andilly, fit preuve d’un dévouement admirable et singulièrement ingénieux ; grâce à lui une captivité d’abord très dure ne tarda pas à s’adoucir. On rendit à l’abbé quelques-uns de ses livres, il put continuer à écrire contre les protestants, il put surtout donner un aliment à son ardent désir de travailler au salut des âmes. Comme le dit encore Racine, qu’on ne se lasserait pas de citer, « ce fut dans cette prison que l’abbé de Saint-Cyran écrivit ces belles Lettres chrétiennes et spirituelles dont il s’est fait tant d’éditions avec l’approbation d’un fort grand nombre de cardinaux, d’archevêques et d’évêques, qui les ont considérées comme l’ouvrage de