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histoire du mouvement janséniste

de Jean Châtel », et leur bienfaiteur enfin ; mais il se vit payer d’ingratitude parce qu’il commit, en 1611, le crime irrémissible d’instituer l’Oratoire et de faire ainsi aux Jésuites une concurrence redoutable. Pour organiser l’Oratoire, Bérulle semble avoir pris le contre-pied des idées et des sentiments de saint Ignace. Écoutons plutôt Bossuet : « Son amour immense pour l’Église lui inspira le dessein de former une compagnie à laquelle il n’a point voulu donner d’autre esprit que l’esprit même de l’Église, ni d’autres règles que ses canons, ni d’autres supérieurs que ses évêques, ni d’autres biens que sa charité, ni d’autres vœux solennels que ceux du baptême et du sacerdoce. Là une sainte liberté fait un saint engagement ; on obéit sans dépendre ; on gouverne sans commander ; toute l’autorité est dans la douceur, et le respect s’entretient sans le secours de la crainte…. Là, pour former de vrais prêtres, on les mène à la source de la vérité ; ils ont toujours en main les saints livres pour en chercher sans relâche la lettre par l’étude, l’esprit par l’oraison, la profondeur par la retraite, l’efficace par la pratique, la fin par la charité[1]…. »

À peine institué, l’Oratoire fut en butte à la haine furieuse des Jésuites, et il n’en pouvait pas être autrement, puisque cette « sainte congrégation », comme dit encore Bossuet, était accueillie en France avec enthousiasme, puisqu’elle ouvrait des collèges, des séminaires, que ses prédicateurs brillaient dans les chaires, et qu’elle dirigeait une infinité de religieuses et notamment les filles de Sainte-Thérèse. Bérulle fut donc insulté, honni, calomnié de la manière la plus odieuse. Finalement il fut dénoncé à Richelieu, qui


  1. Oraison funèbre du Père Bourgoing, 1er point.