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chapitre xv

paraître infiniment plus coupable que ne l’avait été Soanen, le prisonnier de la Chaise-Dieu. Il y avait dans cette Épitre du souffle, une éloquence un peu déclamatoire, et des qualités littéraires. La bonne foi de l’auteur et sa parfaite loyauté étaient indéniables, mais ces choses-là n’entraient pas en ligne de compte en 1737. Montgeron séjourna deux mois et demi à la Bastille, et le lieutenant de police Hérault fit brûler sous ses fenêtres, dans les fossés de cette citadelle, toute la première édition de son livre. 5 000 exemplaires qu’il avait fait saisir. Mais l’auteur avait pris ses précautions ; il en parut la même année, à Utrecht, une nouvelle édition vendue à très bas prix quoique fort belle, car les planches avaient été sauvées, et l’ouvrage fut aussitôt traduit en plusieurs langues.

De la Bastille, Montgeron fut transféré à Villeneuve-les-Avignon, dans une abbaye de Bénédictins ; il était là comme exilé et non comme prisonnier, il put donc continuer son ouvrage interrompu et correspondre plus ou moins librement avec ses amis. Il profita de cette situation pour fonder à Villeneuve des écoles gratuites dont il payait généreusement les maîtres et les maîtresses, et c’était lui qui fournissait les livres. L’archevêque d’Avignon s’émut, et Montgeron fut transféré à Viviers ; cette translation fut même présentée au Parlement comme un adoucissement notable. Mais l’intolérance de l’évêque, qui lui refusa plusieurs fois la communion, fut dénoncée au Parlement, qui crut devoir encore intervenir, et la cour expédia une dernière, lettre de cachet, qui exilait purement et simplement Montgeron à Valence (29 juin 1738). Le major de cette place avait sans doute des ordres secrets, car il interna l’exilé dans la citadelle, en lui faisant payer sa nourriture et son logement, et