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chapitre xv

qui le dit à la manière de saint Augustin, mais avec une candeur parfois cynique, un libertin dans tous les sens de ce mot, un franc débauché et un homme profondément irréligieux. Il avait eu parfois des velléités de conversion mais il était retombé dans le vice et, dit il, dans le crime, lorsque la curiosité et le désir de faire lui-même des enquêtes le conduisirent au petit cimetière de Saint-Médard le 7 septembre 1731. Là, il fut tout d’abord ému en voyant « le recueillement, la componction, la ferveur qui étaient peints sur le visage de la plupart des assistants », et il se prit à adresser au diacre Paris une prière empreinte de scepticisme comme celle de Voltaire aux mânes de Genonville :

S’il est vrai que tu sois et si tu peux m’entendre[1].…

Après cette courte prière, il demeura quatre heures au pied de la tombe, abîmé dans ses réflexions et insensible à tout ce qui se passait autour de lui. Restout l’a représenté dans cette attitude au milieu d’une foule considérable dans laquelle on reconnaît beaucoup de portraits.

Montgeron était converti, à la manière de Pascal dans la nuit du 23 novembre 1654. Ses quatre heures de méditations sur une tombe furent le point de départ d’une série de raisonnements comme ceux de Pascal et de Duguet apologistes, et quelques-unes de ses déductions, notamment celles qui sont relatives au peuple juif, aux prophéties, à l’authenticité des évangiles et aux miracles sont tout à fait remarquables. Il rentra chez lui, « touché, gémissant, abattu », et comme Pascal il nota ce qui lui était arrivé. À dater

  1. C’est un peu la prière du capitaine suisse, toujours d’après Voltaire : « Mon Dieu, s’il y en a un, ayez pitié de mon âme, si j’en ai une. »