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chapitre xiv

guère que les Sulpiciens, les Eudistes et les Capucins qui n’aient pas alors abandonné les Jésuites. Le mouvement de protestation se communiqua aux monastères de filles, si profondément silencieux au temps de Port-Royal, et c’est par centaines que l’on pourra citer ces monastères durant tout le xviiie siècle jusqu’à la veille de la Révolution. C’est alors que le cardinal de Noailles fit paraître une longue Instruction pastorale qui est en son genre un chef-d’œuvre[1]. Jamais il ne s’était expliqué avec plus de franchise et de clarté sur les rapports de l’épiscopat et de la papauté. L’approbateur des Réflexions morales reparaît, et l’on voit Noailles justifier, avec une vigueur extraordinaire, les propositions condamnées par la Bulle. Il se sentait alors très fort, parce qu’il était d’accord avec tout son clergé ; aussi l’Instruction pastorale de 1719 est-elle le contraire des mandements fanatiques de Belsunce, de Languet de Gergy et du cardinal de Bissy. Noailles discutait et réfutait avec une sérénité relative les affirmations de ses contradicteurs ; il prouvait avec évidence que la Bulle Unigenitus ne peut pas être proposée comme une règle de foi et qu’elle ne saurait être considérée comme un jugement irréformable de l’Église universelle. À la base de son argumentation, qui est très solide, se trouvait la négation catégorique et absolue du prétendu dogme de l’infaillibilité des papes. On n’arrive pas à comprendre comment l’auteur de cette Instruction pastorale n’a pas été excommunié immédiatement par Clément XI, par l’auteur des Lettres Pastoralis officii.

  1. Première instruction pastorale de S. Em. Mgr le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, au clergé séculier et régulier de son diocèse sur la Constitution Unigenitus. — Un vol. in-8 de 286 pages, Paris, 14 janvier 1719.