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chapitre xii

bles dont on ne saurait lire le récit sans que le cœur se soulève d’indignation et de dégoût. Port-Royal était une vaste nécropole ; dans son église, dans le petit cimetière du dehors où furent enterrés Hamon et Racine, dans le cloître intérieur enfin, reposaient depuis le xiiie siècle deux ou trois mille morts. Puisque l’ordre était donné de tout raser et de faire passer la charrue sur l’emplacement du monastère, il fallait exhumer tous ces corps et les réinhumer en,terre sainte, car il ne s’agissait pas de les jeter à la voirie. C’est ce que l’on fit en 1711. Les morts qui avaient une famille ou des amis furent transportés avec quelque décence en divers lieux, les Arnauld à Palaiseau ; Racine, Antoine Lemaître et Lemaître de Saci à SaintEtienne du Mont, auprès de Pascal ; Tillemont à Saint-André des Arts ; Mlle  de Vertus à l’abbaye de Malnoue. L’église de Magny en reçut un certain nombre, Pont-château entre autres, et à ce titre elle est aujourd’hui un très intéressant musée funèbre. Les autres corps, dans le petit cimetière et dans le cloître, furent déterrés par des fossoyeurs avinés qui les hachaient à coups de bêche pour les entasser pêle-mêle dans des tombereaux, et ils furent ainsi voiturés pour être enfouis dans ce qu’on appelle aujourd’hui au cimetière de Saint-Lambert le « carré de Port-Royal ». Quatre pierres placées aux quatre angles indiquaient l’endroit ; la piété des propriétaires actuels de Port-Royal a recouvert ce carré d’une pierre sépulcrale, avec une inscription commémorative. Les ruines de l’abbaye furent longtemps une sorte de carrière où l’on venait chercher des pierres à bâtir ; les buissons et les ronces finirent par les envahir, si bien qu’au début du xixe siècle il était impossible de retrouver la place exacte de l’église et du sanctuaire. Comme l’avait