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chapitre xii

du Mesnil sut être digne, comme autrefois la Mère Du Fargis.

Le 29 octobre, c’était d’Argenson lui-même qui faisait irruption dans le monastère avec deux cents archers et un grand nombre de carrosses ; il venait procéder, au nom du roi, à l’enlèvement et à la dispersion des religieuses : quinze professes de chœur et sept converses, dont la plus jeune avait cinquante ans. Le récit de cette dernière scène est partout, et Sainte-Beuve s’est contenté de transcrire sans commentaires une relation contemporaine ; il a bien fait. C’est dans Besoigne[1] qu’il faut le lire de préférence, car c’est là qu’il est à la fois le plus simple, le plus véridique et le plus émouvant. D’Argenson s’efforça de tempérer la rigueur des ordres qu’il avait reçus, et il fit partir les prisonnières pour leurs différentes destinations : Blois, Rouen, Autun, Chartres, Amiens, Compiègne, Meaux, Nantes et Nevers. Toutes étaient reléguées hors du diocèse de Paris, à l’exception de cinq converses qu’on envoya à Saint-Denis. Les unes et les autres partirent après avoir embrassé la Mère Du Mesnil ; elle leur fit ses adieux pour l’éternité avec une constance qui ne se démentit pas un seul instant. Le 1er  novembre, le lieutenant de police alla dire au roi que tout s’était bien passé, et Louis XIV répondit qu’il était « content de l’obéissance des religieuses, mais fâché qu’elles ne fussent pas de sa religion ». Le roi très chrétien mettait sur la même ligne la révocation de l’Édit de Nantes et la destruction de Port-Royal.

Les religieuses parties, on procéda au déménagement, et l’abbesse de Port-Royal de Paris employa,

  1. Hist. de Port-Royal, tome III, p. 192 et suiv.