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histoire du mouvement janséniste

il voulait survivre à l’abbaye maudite. L’intervention de l’archevêque était indispensable pour cette destruction ; mais les Jésuites, n’espérant pas l’obtenir tout d’abord, temporisèrent et ils eurent recours à leur procédé habituel, à celui qu’ils avaient employé en 1636 lors de l’élévation de Jansénius à l’évêché d’Ypres. J’ai sous les yeux un tout petit volume, paru en 1696, qui en dit bien long sur ce sujet ; il est fort curieux, car c’est de lui que procède la fameuse Bulle Unigenitus[1]. C’est le texte d’une harangue en beau latin faite au collège Louis-le-Grand par le célèbre Père Lejeay, en présence de Noailles, au cours d’une fête splendide donnée en son honneur. Tout ce que la flatterie la plus outrée peut inventer pour louer un homme se trouve dans cette harangue qui est un remerciement au roi, et les Jésuites firent graver en tête de ce petit volume un admirable portrait de Noailles. Mais ce beau feu ne dura pas, car dès cette même année 1696 l’archevêque offensa mortellement les Jésuites en publiant une instruction pastorale qui condamnait sans doute une publication réputée janséniste, mais qui sapait le molinisme par la base. Noailles, inspiré par Bossuet, préconisait les dogmes fondamentaux de la Grâce toute puissante de Jésus-Christ et de la prédestination gratuite et antérieure à tous les mérites. Or on a vu depuis le commencement de cette histoire que Port-Royal et les Jansénistes n’ont jamais demandé autre chose, et que si ces dogmes intangibles n’avaient pas été attaqués par les Jésuites, l’Augustinus n’aurait même pas été composé. Aussi le judicieux Duguet déclarait-il

  1. Ce petit volume de 86 pages, édité à Paris chez Simon Bernard, a pour titre : Regi, ob delectum regíœ urbi novum prœsulem solemnis gratiarum actio, habita ín collegio Ludovici magni a Gabríele Francísco Lejeay, S. J., sacerdote.