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chapitre premier

deux Pères de l’Église, et les quarante-trois gros volumes qu’il a écrits n’ont pas donné prise à la moindre censure. Innocent XI voulait à toute force le faire cardinal, et Benoît XIV applaudissait à la publication de ses œuvres complètes. Bossuet le proclamait un grand homme, et lui reprochait seulement de n’avoir pas abandonné la défense du livre de Jansénius ; il ne lui a jamais imputé la moindre hérésie.

Qu’est-ce donc en définitive que le jansénisme du xviie siècle ? Un monstre à trois têtes hideuses, qui n’avait pas de tête du tout. Ni hérésiarques, ni hérétiques, ni chefs, ni soldats, voilà en deux mots son histoire. En dehors des doctrines augustiniennes sur la grâce efficace par elle-même et sur la prédestination gratuite, doctrines que l’Église enseignait et que le concile de Trente promulguait à nouveau, Jansénius, Saint-Cyran et Arnauld n’ont jamais fait ce choix (αἵρησις) qui caractérise l’hérétique ; sur tous les points sans exception, leur créance a été celle de l’Église catholique, apostolique et romaine, et leur hétérodoxie a consisté uniquement à n’aimer point les Jésuites et à combattre leurs erreurs. Jansénius les a combattus à Madrid comme à Louvain, Saint-Cyran s’est attaqué au Père Garasse et aux jésuites d’Angleterre, Arnauld enfin a bataillé contre les PP. Sirmond, de Sesmaisons Annat, Ferrier, et contre la Compagnie tout entière. Ennemis d’une société qui avait été créée pour combattre l’hérésie, ils ne pouvaient manquer d’être traités d’hérétiques, puisqu’ils la combattaient, et c’est là tout le secret du jansénisme, comme le disait si bien le cardinal Bona.

Mais, à ce compte, nos trois prétendus hérésiarques ne sont pas les premiers en date d’entre les jansénistes ; ils ne sont même pas les promoteurs de ce que nous