Page:Gazier - Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, tome 1.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
histoire du mouvement janséniste

s’y édifier et prendre le véritable esprit de la piété ». On vit les évêques de Grenoble, d’Angoulême, de Saint-Pons, de Châlons, de Beauvais, de Meaux, enfin, le prédécesseur de Bossuet, officier pontificalement dans la vieille église. Ils portaient le Saint-Sacrement à la procession sous le cloître, ils confirmaient les petites pensionnaires et les bonnes gens des environs. Le Père Vincent Comblat, de l’ordre des Frères Mineurs, fit à Port-Royal, en 1678, un séjour prolongé, dont il a laissé un récit enthousiaste et parfois hyperbolique. Nicole, Sainte-Marthe, Pontchâteau jugeaient même qu’il y avait « trop de carrosses en ces quartiers », qu’on logeait trop de visiteurs de qualité dais l’hôtel des hôtes, ce grand bâtiment à trois étages et à douze fenêtres de façade qu’on voit à l’entrée de la cour du dehors sur l’ancien plan à vol d’oiseau gravé en 1710, par Madeleine Hortemels. Ils craignaient, non sans raison, qu’un tel éclat n’excitât l’envie, et, comme le dit excellemment Sainte-Beuve, « l’admiration dont Port-Royal était l’objet, et qui amenait ce concours de pèlerins, grands et petits, dans un désert voisin de Versailles, devenait un danger sous un roi qui n’aimait de bruit et d’éclat que celui qu’il faisait et qui se rapportait à lui[1] ».

C’est l’heure de Mme  de Sévigné, dit l’illustre auteur de Port-Royal, et, en effet, tout le monde a présente à l’esprit sa lettre du 24 janvier 1674 « ce Port-Royal est une thébaïde ; c’est le Paradis… » Mais ce n’est pas encore l’heure de Boileau ; elle viendra lors des mauvais jours, c’est plutôt celle de La Fontaine, auteur de Joconde et de six livres de fables, lequel, à la sollicita-

  1. Port-Royal, t. V, 143. Besoigne a dressé une liste de quelques-uns des visiteurs d’alors, tome II. p. 484.