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histoire du mouvement janséniste

lorsqu’il avait porté ce pape à abandonner ce cardinal ou à le soutenir faiblement, il payait cette faveur par quelque arrêt du conseil ou par la déclaration de quelque assemblée contre les jansénistes, qu’il laissait d’ordinaire sans exécution, afin que l’affaire ne mourût pas, et qu’il s’en pût toujours prévaloir dans les rencontres. On sait qu’il ne s’est rien fait sur ce sujet que dans des conjonctures de cette nature…. C’est par cette vue qu’on tâche toujours d’entretenir le pape, et le roi dans cette fausse opinion que le jansénisme est un corps effroyable, capable de renverser l’Église et l’État si on ne veille continuellement à l’étouffer[1]. » Pierre de Marca flagornait le pape, mais dans l’intimité il le traitait de faquin qui ne croyait pas en Dieu ; Alexandre VII manquait d’enthousiasme pour un formulaire qui était l’œuvre des évêques de France assemblés par Mazarin, et non pas la sienne. Enfin le Parlement n’était nullement disposé à enregistrer une bulle qui favorisait les prétentions du Saint Siège à l’infaillibilité, et qui aurait pour conséquence l’établissement en France d’une véritable Inquisition. La Lettre d’un avocat qui parut le 1er juin 1657, et que l’on joint ordinairement aux Provinciales, met ce fait en pleine lumière. Toutes ces raisons réunies, et l’affaire des casuistes, et les projets d’accommodement qui en furent la conséquence, empêchèrent Pierre de Marca et le Père Annat d’exécuter leur plan d’extermination ; le Formulaire dormit, dit Sainte Beuve, on le laissa sommeiller jusqu’en 1660.

Mais dès les premiers mois de 1660 la tempête qui menaçait Port-Royal depuis si longtemps éclata soudain, et, sur l’ordre du roi, on détruisit le 12 mars ce

  1. Œuvres d’Arnauld, Paris-Lausanne 1775, tome XXI, p. 440.