Page:Gazier - Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, tome 1.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
chapitre vii

« Mes confrères et moi, dit-il, nous l’avons lu en entier, et nous n’avons pu y trouver nulle part les cinq propositions. » Le pape, surpris de cette parole, recula de trois ou quatre pas et, frappant des mains, il assura qu’il les avait lues dans Jansénius en propres termes. « Le Père Lupus conclut de là, ou qu’il fallait que Sa Sainteté eût eu quelque autre édition de cet auteur que celle de Louvain, ou que l’exemplaire dans lequel il les avait vues eût été corrompu et demanda s’il ne pourrait point en avoir la communication. Le pape répliqua que ceux qui lui avaient apporté ce livre l’avaient remporté aussitôt[1]. » Et à la fin de cet entretien le pape levant les épaules avait dit au P. Lupus que la voie de Rome est longue, et qu’il s’y commet une infinité de tromperies. Alexandre VII aurait-il été le jouet d’une de ces tromperies, et les Jésuites auraient-ils fait imprimer un Augustinus à son usage, sauf à le détruire aussitôt après le lui avoir montré ? On serait tenté de le croire, car le pape, qui aurait dit volontiers :

Je l’ai vu, dis-je, vu, ce qui s’appelle vu, De mes propres yeux vu…

était bien autrement affirmatif que le Père Annat, lequel après avoir déclaré d’abord que les propositions étaient dans Jansénius « mot à mot, totidem verbis » (Cavilli… p. 39), s’était rabattu à dire qu’elles y étaient

  1. Hermant, III, 313. Le P. Lupus vivait encore lorsque ce chapitre fut écrit, et Hermant assurait que ce Père n’en donnerait jamais le démenti. Gerberon écrivait d’après des personnes de Louvain qui tenaient ces propos de la propre bouche du P. Lupus. D’autres ont cru que, pour éviter les frais inutiles, les faussaires auraient fait imprimer une seule feuille, c’est-à-dire quatre pages, et que les propositions à faire voir étaient réparties dans ces quatre pages. C’est une de ces choses que l’on ne saura jamais au vrai.