Page:Gazier - Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, tome 1.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
histoire du mouvement janséniste

ques ont condamnée, laquelle doctrine n’est point celle de saint Augustin, que Jansénius a mal expliqué contre le vrai sens de ce saint docteur. » L’attribution à Jansénius des cinq propositions condamnées par Innocent X était un fait nouveau, mais Innocent X lui-même en était responsable, car il n’avait pas craint de se contredire en le déclarant sans ambages dans un bref aux évêques daté du 29 septembre 1654, et ce faisant il exécutait à la lettre, avec une docilité étrange, le programme de Nicolas Cornet et des Jésuites : condamner d’abord en général, et faire ensuite une application particulière. Le Formulaire se donnait ainsi l’estampille pontificale, aussi fut-il accueilli avec transport par les zélés du parti ; l’évêque de Meaux, frère du chancelier Séguier et fougueux moliniste, tint à l’honneur d’être le premier à le signer, et dans un synode tenu le 2 septembre 1655, il menaça tout simplement de l’exil et de la prison ceux qui ne voudraient pas donner leur signature[1].

Sur ces entrefaites, Innocent X mourut et, grâce à l’appui de Retz, le cardinal Flavio Chigi lui succéda sous le nom d’Alexandre VII. Plus encore que son prédécesseur, le nouveau pape se laissa circonvenir par les Jésuites ; il commença par prendre un des leurs pour confesseur, et on peut juger de ses dispositions par un très curieux récit qui se trouve dans les mémoires d’Hermant et dans l’Histoire du jansénisme du Père Gerberon, Un savant religieux flamand de l’ordre de saint Augustin, le P. Chrétien Lupus, professeur à l’Université de Louvain, eut avec le pape un entretien particulier au cours duquel il demanda au Saint Père pourquoi il avait condamné Jansénius :

  1. Gerberon, Hist. du jansénisme, tome II, p. 253.