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chapitre vi

simple permission. En 1779, sous Louis XVI, après la suppression des Jésuites par Clément XIV, l’année qui suivit la mort de Voltaire et de Rousseau, le géomètre Bossut entreprit de publier à Paris les œuvres complètes de Pascal ; pour y parvenir, il eut recours, de concert avec Malesherbes, à un procédé digne d’Escobar. Imprimés à Paris et débités chez le libraire Nyon, les cinq volumes de l’édition Bossut étaient censés publiés à Amsterdam chez le libraire Néaulme ; c’était un véritable faux.

Les Provinciales ne devaient être dans la pensée de leur auteur qu’une apologie de Port-Royal accusé d’hérésie, elles sont devenues par sa force des choses un réquisitoire et un pamphlet contre les Jésuites, et c’est à ce titre surtout que la postérité les admire. Ce n’est pourtant pas pour goûter le plaisir de la vengeance que Pascal, un chrétien si austère et si scrupuleux, a si vigoureusement attaqué les casuistes. Il avait dû se demander pourquoi les Jésuites combattaient avec tant d’acharnement la doctrine de la grâce, et il avait trouvé par la voie du raisonnement la proposition suivante : « Vous remarquerez aisément dans le relâchement de leur morale la cause de leur doctrine touchant la grâce. Vous y verrez les vertus chrétiennes si inconnues et si dépourvues de la charité qui en est l’âme et la vie, vous y verrez tant de crimes palliés et tant de désordres soufferts que vous ne trouverez plus étrange qu’ils soutiennent que tous les hommes ont toujours assez de grâce pour vivre dans la piété de la manière qu’ils l’entendent. Comme leur morale est toute païenne, la nature suffit pour l’observer…. » Ce fut donc la logique qui amena Pascal à délaisser momentanément la théologie pour la morale, à s’attaquer avec tant de véhémence aux casuistes de