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chapitre vi

trie d’Euclide. Mis au courant de l’affaire de Sorbonne, il jugea, en janvier 1656, que le docteur Arnauld ne devait pas se laisser condamner comme un enfant ; il fut d’avis que l’on portât l’affaire devant le tribunal de l’opinion. Il fit donc les Provinciales, et il les fit en port-royaliste augustinien qui commençait par condamner sincèrement les cinq propositions, qui les considérait comme des « impiétés visibles », comme « pleines d’impiétés et de blasphèmes, » et qui les détestait de tout son cœur. Cela dit, les trois premières lettres et les deux dernières ont pour objet de persuader aux gens que la résistance de Port-Royal sur la question du fait de Jansénius était légitime, et qu’elle ne mettait nullement la foi catholique en péril. Il s’agissait pour l’auteur des Petites Lettres de désabuser un public trop crédule, et de faire paraître dans tout son jour la parfaite orthodoxie de ceux que la calomnie représentait comme des hérétiques. Pascal n’hésitait pas à dire que le prétendu jansénisme était une chimère, une invention grossière et abominable des Jésuites, ennemis acharnés de saint Augustin et de la grâce efficace par elle-même. Et ce fait, il l’établissait avec une grande discrétion, en évitant soigneusement de faire intervenir dans ses démonstrations le docteur de la Grâce, dont il n’est pour ainsi dire pas question dans les Provinciales. C’est l’ange de l’école, le dominicain saint Thomas, qui lui est substitué pour établir la prévarication des Dominicains, récemment inféodés aux Jésuites. Aussi la partie doctrinale des Provinciales est-elle inattaquable ; elles n’ont pu être censurées par la Sorbonne ou condamnées par les papes, et si elles ont été mises à l’index, comme le Discours de la méthode, c’est parce qu’on leur reprochait d’avoir traité en français, pour les gens du monde et pour les