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histoire du mouvement janséniste

conscience[1] ». Auparavant, il fallait en Sorbonne l’unanimité ou la presque unanimité des voix (quasi concordi omnium consensu) ; Arnauld fut condamné, si l’on tient compte des votes illégaux et des abstentions, à trois voix de majorité. La question de fait fut résolue contre lui le 14 janvier 1656 ; et la question de droit fut immédiatement entamée. Caché comme un vulgaire criminel, Arnauld se défendit par écrit, mais en vain. La censure définitive fut prononcée le 31 janvier 1656. Il était exclu de la Faculté, et perdait tous ses privilèges de socius sorbonicus. On poussa même les choses plus loin : tous ceux qui n’avaient pas voté contre lui furent obligés de se soumettre, sous peine d’exclusion, aux décisions d’une majorité de cabale ; tous les docteurs absents durent souscrire, dans le délai de deux ans, à la condamnation de leur confrère[2]. Le triomphe des Jésuites était complet ; il l’eût été, du moins si Pascal n’était pas venu au secours d’Arnauld et de Port-Royal.

Pascal était alors dans toute la ferveur de sa seconde conversion ; il portait cousu dans son pourpoint le mémorial de la nuit lumineuse du 23 novembre 1654 ; il était uni d’esprit et de cœur avec Port-Royal, où son admirable sœur Jacqueline était religieuse, et il venait d’avoir à Port-Royal même, dans la maison des Granges, le célèbre entretien avec M. de Saci sur Épictète et Montaigne. Il avait, par la force de son génie, réinventé la théologie augustinienne comme il avait autrefois réinventé la géomé-

  1. Hermant, tome II, p. 708.
  2. C’est à la requête des Jésuites que la Sorbonne condamna Arnauld ; deux ans plus tard la même Sorbonne condamna les casuistes ; il faut voir dans Hermant (IV, 159) comment cette pauvre Faculté fut traitée alors par le général des Jésuites.