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et les scrupules de religion n’ont jamais gêné ce rusé politicien. La reine-mère et son entourage étaient à leur dévotion avec une crédulité sans égale ; ils pouvaient donc tout oser, et ce que l’académicien Conrart avait prédit s’exécuta à la lettre aussitôt après la publication de la bulle de 1653. Ils commencèrent par dire que la soumission de Port-Royal était un mensonge et une hypocrisie ; puis ils se répandirent en invectives et ils multiplièrent les calomnies les plus odieuses et les plus invraisemblables. Ces calomnies, Racine les énumère en historien qui comprend l’importance de ces machinations, et il pouvait en parler en connaissance de cause, car on lit dans les Mémoires d’Hermant une lettre de lui à M. d’Andilly, qui est un pur chef-d’œuvre. Dans cette lettre, écrite en 1659, lorsqu’il était élève de philosophie au collège d’Harcourt, le jeune Racine flétrissait, après les avoir vues de ses propres yeux, les mômeries indécentes des Jésuites dans une paroisse de Paris au sujet des cinq propositions[1]. C’étaient chaque année des attaques nouvelles : à la fin de 1653 parut une gravure satirique, « un almanach », représentant Jansénius en rochet et en camail, tenant un livre intitulé : Jansen et Augustin, ce qui incriminait directement saint Augustin ; il avait au dos des ailes de diable ; foudroyé par le pape, il se réfugiait chez les calvinistes de Genève, qui l’accueillaient comme un frère[2]. Les Jésuites menèrent grand bruit autour de cette caricature de mauvais goût ; il paraît même qu’ils la présentèrent au pape et ils prétendirent que le Saint-Père la reçut « avec un

  1. Hermant, tome IV, p. 182.
  2. Cette planche est reproduite avec une autre de même nature dans Port-Royal au xviie siècle. Images et portraits, pl. 116 et 117.