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histoire du mouvement janséniste

si grand lutteur équivalait à une acceptation sans réserve. À Port-Royal même, Singlin prêchait hautement la soumission, si bien que saint Vincent de Paul ravi « le vint embrasser dans ce monastère et en sortit tout consolé ».

Mais les Jésuites ne tardèrent pas à ressaisir cet ange de charité qui ne fut jamais un ange de lumière, et Vincent de Paul ne chercha pas à détromper la reine mère. « On loua pourtant cette modération de Port-Royal jusque dans la chambre de la reine, ajoute Hermant, et quelques-uns de la cour ne purent s’empêcher d’y dire en une rencontre qui se présenta, qu’il fallait avouer que les jansénistes étaient de très gens de bien, puisqu’après avoir été aussi maltraités qu’ils l’avaient été à Rome et qu’ils l’étaient en France, et étant les plus savants hommes qui fussent dans l’Europe, non seulement ils ne s’emportaient pas à décrier ceux qui les maltraitaient, mais ils les bénissaient et se soumettaient à ce qu’ils faisaient contre eux avec une douceur et une modération très édifiantes ; ce qui ne pouvant être attribué ni à stupidité ni à ignorance, comme personne n’en doutait, ne pouvait être l’effet que d’une vertu extraordinaire, étant d’ailleurs certain qu’il ne pouvait y avoir en cela d’hypocrisie, puisque, quelque profession qu’ils fissent d’être retenus, leur patience ne faisait qu’aigrir leurs ennemis, et que ne voulant point les repousser, ils ne laissaient pas d’en être même plus battus[1]. »

Aux yeux des jansénistes comme aux yeux de la mère Angélique, dont la sérénité fut alors admirable, il y avait une question qui primait toutes les autres, savoir si saint Augustin était condamné. Or le pape dé-

  1. Hermant, II, 150.