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Il n’est pas jusqu’au chien endormi qui ne trouverait à cousiner dans l’œuvre de David, tant il ressemble, sinon pour la couleur, du moins pour la forme, à celui qui se lèche dans le Jugement de Sisamnès et à cet autre qui flâne dans la scène du Supplice.

Enfin, sans égaler le beau paysage du Baptême de Bruges ou celui du Mariage mystique de Londres, les parties de nature qu’offre notre composition s’accordent par leur style avec leurs analogues dans l’œuvre de David.

À toutes les ressemblances que nous venons de relever l’analyse du coloris et de la facture en ajoute d’autres qui ne sont pas moins curieuses.

D’abord, c’est bien de la même palette qui a servi pour les œuvres authentiques de Gérard David que procèdent les riches et chaudes harmonies de notre peinture. Le cramoisi qui teinte la robe et le manteau est de cette couleur dont David était si friand et sa note éclatante résonne à un diapason identique ou voisin dans toute œuvre du maître, notamment sur la face externe du volet de gauche du triptyque de Bruges ; de même pour l’incarnat léger des joues, pour le bleu sombre de la robe de dessous, pour les jaunes des orfèvreries et du damas, pour les pourpres.décolorés des robes des anges et les bleus dégradés de la tunique de l’Enfant ; de même encore pour les verts chauds de la végétation ; de même enfin pour la fine tonalité d’or qui domine et harmonise l’ensemble.

Cependant, si par l’opulence et la chaleur de ses colorations notre peinture se place en dehors et au-dessus de l’art de Memlinc, par son exécution elle achève de livrer le secret de ses origines. Aussi bien, son métier est-il, non d’un enlumineur, mais d’un vrai peintre, conscient et amoureux des effets d’une belle matière ; ce que nous observons sur notre tableau, ce n’est pas la substance mince et lisse dont se contentait le peintre de sainte Ursule, mais une pâte consistante, appliquée de façons diverses, voire même accidentée de reliefs, telle précisément que nous l’apprécions dans les œuvres de David. Et la comparaison peut se poursuivre jusque dans les repentirs de la facture : en effet, nous découvrons l’équivalent de cette correction du pied de l’Enfant que nous signalions tout à l’heure, sur le volet du Baptême de Bruges où apparaît, dans les mêmes conditions de rectification, une réduction de l’occiput de l’Enfant.

    dessin poussé de mains longues et maigres qui sont si caractéristiques de la manière du maître.