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blier ; — M. Coppier fait preuve de verve dans une eau-forte : La Pineta à Ravenne ; M. Charles-Théodore Bernier, M. Achille Jacquet, présentent des portraits, tandis que M. Haig expose un souvenir de l’église Sainte-Madeleine de Troyes qui gagnerait à être plus discret. Malgré une contribution digne d’attention, ce ne sont pas les peintres graveurs français qui sont ici les plus nombreux. L’estampe originale a le plus souvent pour auteur un artiste étranger : M. Pennell, qui rapporte des impressions de Londres, M. Peets, qui sait dégager des spectacles les plus ordinaires ce qu’ils enferment de pittoresque, M. Worcester, sont des Américains, plus ou moins consciemment inspirés de Wisthler. M. Belleroche, qui se plaît à des Études de femmes contemporaines, est Anglais ; Ainsi c’est encore exceptionnellement que nos graveurs s’adonnent à l’estampe originale, et encore se restreignent-ils le plus souvent à la lithographie et au bois.

Comme l’estampe originale, et plus encore qu’elle, l’estampe en couleurs est une nouvelle venue. Elle passait difficilement jadis le seuil du Salon des Artistes français. Cette année, un panneau spécial lui est consacré, et cette innovation mérite d’être notée. Il n’y a pas qu’à louer cependant parmi ces envois. Le regard s’arrête le plus volontiers sur les planches de ceux qui, comme M. Gottlieb, ont une sûre expérience, et de la sobriété comme M. Raoul du Gardier, comme M. Peunequin, dont on peut voir une jolie eau-forte en noir et sanguine, d’après Watteau. M. Hugard a tiré un habile parti des différents tons pour composer un Intérieur hollandais, et M. Roy a consacré des eaux-fortes pittoresques aux vieilles rues de Troyes.

Ainsi la gravure offre le spectacle de cette diversité qui frappe au premier regard le visiteur du Salon de peinture. Il n’est plus de procédés qui soient admis aux dépens des autres ; il n’est plus de genre qui soit honni et banni. Notre époque ne connaît plus de hiérarchie entre les techniques ; elle se refuse aux distinctions arbitraires entre les méthodes, et aux étroitesses d’école. Elle ne demande point compte à l’artiste des voies qu’il a choisies ni des maîtres qu’il a écoutés, ni des moyens qu’il a préférés ; elle le juge à son œuvre. Il n’est point d’entrave à la fantaisie de celui qui crée. Ce qui seulement importe, c’est l’étude que chacun fait de la vie, et la beauté qu’il en exprime.

andré chaumeix