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sante ; c’est un éphèbe, de formes non pas grêles, mais un peu archaïques, avec quelque chose d’affiné qui rappelle l’antique. Le Bacchus de M. Carlés, lui aussi, fait penser à l’art hellénique, non point à la période classique, mais à l’art un peu plus cherché et nuancé, plus mou peut-être, mais charmant encore, de l’époque où le grand style disparaissant permettait des raffinements inédits.

C’est, tout au contraire, quelque chose de nouveau et de tout moderne, que la Consolation de M. David. Ce groupe, d’une technique très attentive, est surtout émouvant par l’intensité et la profondeur de l’expression. Ici la matière devient représentative d’idées. On éprouve une émotion semblable et plus vive encore peut-être devant la Bonté de M. Gaudissard. C’est une femme vêtue très simplement, d’un costume volontairement anonyme, un peu traînant, un peu flottant ; sa physionomie est infiniment douce, et elle tend des bras qui se font accueillants et secourables. On saisit ici à merveille le travail propre du sculpteur ; il lui a fallu d’abord simplifier, car il devait fixer dans un seul jet ce qu’il voulait dire ; il devait exprimer la vie, c’est-à-dire le mouvement, avec une seule attitude immobile. Mais de cette attitude unique il a fait comme la synthèse de toutes les autres analogues dont elle donne l’idée sans les traduire. Et ainsi, par une conséquence naturelle, après avoir simplifié le mouvement, il l’a, en quelque manière, amplifié. Ce geste unique, qu’il a retenu, il l’a mis en valeur, il en a rehaussé le sens, il en a dégagé la portée. Par là, l’œuvre acquiert une particulière grandeur ; ce n’est pas le portrait d’une femme bonne, c’est l’image même de la Bonté. Il y a plaisir à s’arrêter, à la fin d’une promenade au Salon, devant cet ouvrage, et ses qualités sont celles de toutes les œuvres qui, par la sincérité de la recherche personnelle, attestent la vitalité de notre art.


LA GRAVURE

La gravure de reproduction garde à la Société des Artistes français une place prépondérante. Ce n’est pas à dire qu’elle y paraisse seule et qu’elle ait besoin pour triompher d’une sorte de privilège exclusif. Ni l’estampe originale ni l’estampe en couleurs ne sont bannies. Mais si l’une et l’autre ont fini par acquérir droit de cité au Salon des Champs-Elysées, elles se contentent d’y occuper le second rang : le premier continue d’appartenir, selon la tradition, aux graveurs qui interprètent les œuvres des maîtres.