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diversité d’accents locaux, capable toujours de très grandes et fortes œuvres, comme le Sépulcre de Solesmes et le triptyque de Moulins, à une date où on le dit épuisé et mourant pour justifier l’intervention de l’italianisme.

L’étude des résistances que cet art apporta à la pénétration italienne serait, on le sent, du plus haut intérêt. Mais nous ne saurions même l’esquisser ici. À côté de spécimens très caractéristiques de l’art italien, implanté chez nous, comme les Apôtres de M. du Seigneur, quelques spécimens seulement de l’art de transition nous montraient à l’Exposition l’action des principes nouveaux, le maniérisme commençant dans la Sainte très charmante encore et délicate de M. Besse, accentué et compliqué de recherches de style déjà légèrement classique et conventionnel dans sa Vierge, probablement champenoise, d’une si jolie qualité de travail et de conservation. Mais l’on n’y pouvait suivre ce qu’il put y avoir, de François Marchand à Jean Goujon et à Germain Pilon, d’abdications des qualités traditionnelles ou de réapparitions inconscientes du génie national.

Deux portraits seulement montraient, pour terminer, à côté des effigies peintes ou dessinées des Clouet et de leurs émules, la persistance du réalisme d’an tan dans cette branche spéciale de l’art français que rien n’a jamais réussi à altérer complètement depuis les précurseurs du temps de Charles V jusqu’à nos jours. C’était un buste colossal en bronze de Henri II, à M. le comte d’Hunolstein, œuvre de grande allure, sortie très probablement de l’atelier de Pilon, comme les bustes décoratifs en marbre du Louvre ou comme l’incomparable Charles IX du musée Wallace, et un charmant petit buste en marbre représentant une petite fille que l’on a supposée être la petite Marie-Elisabeth, fille de Charles IX et d’Elisabeth d’Autriche, morte en 1578, à l’âge de cinq ans, appartenant à mme . Autant l’autre avait d’allure officielle et pompeuse, autant celui-ci avait d’intimité et de charme pénétrant. M. Émile Molinier, qui l’a publié autrefois[1], l’avait attribué à Germain Pilon. Il nous semble, quant à nous, y reconnaître un talent plus modeste et plus simple dont la réussite est peut-être moins brillante que ne l’eut été celle de l’auteur du Cardinal de Birague, mais reste infiniment touchante dans sa recherche scrupuleuse et fine d’exactitude et de vérité.

paul vitry
  1. Monuments Piot, t. VI.