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par certains arrangements de manteau et de coiffure, le Charles V nous fait penser aux statues royales de Reims. Quant à l’individualisme de cette physionomie avisée et prudente avec une nuance d’ironie dans le sourire, il est souligné par le rapprochement des figures des manuscrits ou de celles du Parement de Narbonne et nous parait d’une qualité tout à fait rare. Cette qualité est égale, du reste, dans la figure pleine de familiarité et de bonhomie de la reine Jeanne, dont Froissart vantait les « moult bonnes mœurs » et qui nous apparaît ici dans la vérité frappante de son allure de bonne ménagère bourgeoise.

Nous ne savons malheureusement à qui attribuer positivement ces deux chefs-d’œuvre. Nous ne croyons pas cependant qu’il faille les donner à ce Beauneveu de Valenciennes qui travaillait vers le même temps, avec une lourdeur appliquée et consciencieuse, aux effigies funéraires de Saint-Denis. Celles-ci, en dehors même de leur caractère de gisants, sont, dans les visages par exemple, comprises tout différemment et sont loin de présenter cette souplesse de modelé et cet esprit qui nous frappent dans le Charles V des Célestins. Il y a entre les deux séries d’œuvres la même différence qui a été notée par M. Bouchot entre telle série contemporaine de miniatures de la main de Beauneveu ou de Jacquemart de Hesdin et telle autre où le style français s’affirme dans toute sa pureté, comme dans cette partie des Petites Heures du duc de Berry dont le style est si proche de celui du Parement de Narbonne. De même donc qu’on a songé pour cette œuvre si importante et si française à Girard ou à Jean d’Orléans, nous serions ici portés à mettre en avant les noms d’imagiers comme Jean de Saint-Romain, Guy de Dammarlin, Jacques de Chartres ou Jean de Launay, qui travaillaient, à côté, il est vrai, de Jean de Liège, aux statues — dont la plupart étaient également des portraits — de la grande Vis du Louvre.

D’autres séries dé statues de même caractère, heureusement conservées, nous font assister à l’extension du style créé par les ateliers parisiens protégés par Charles V. Ce sont, par exemple, la série des statues des contreforts d’Amiens, exécutées vers 1375, ou celle de la cheminée du palais ducal de Jean de Berry à Poitiers qui date de la fin du siècle. Enfin, n’est-ce pas aussi un phénomène analogue à celui qui a été relevé par M. Bouchot pour Jean Malouel, Gueldrois, formé à Paris, allant à Dijon travailler à la mode française pour Philippe de Bourgogne, que celui de ce Mosan qui s’appelait Jean de Marville, travaillant, à Paris d’abord, puis à Rouen pour le tombeau du cœur de