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Lenoir, devenu le chevalier Lenoir, administrateur des monuments de l’église royale de Saint-Denis, réclama « les statues en pied de saint Louis et de sa femme[1] » — bien qu’elles n’eussent aucun caractère funéraire — pour enrichir la nouvelle collection très réduite, hélas ! confiée à sa garde. C’est à ce moment qu’y passèrent aussi les deux statues romanes de Corbeil, considérées bien à tort comme représentant Clovis et Clotilde, et divers morceaux qui n’avaient pas davantage de raison de figurer dans la nécropole royale, la Marie Leczinska de Pajou par exemple, et qui ont déjà été repris soit pour le musée de Versailles, soit pour le musée du Louvre.

Le pseudo-Saint Louis figura sans doute d’abord dans la crypte où étaient entassées les effigies royales. Puis, lorsque Viollet-le-Duc eut restauré l’église et les tombeaux, il lui trouva une place, bien modeste, il est vrai, et bien obscure, dans un coin sombre du transept méridional. Il lui avait, du reste, rendu son nom véritable, et même, les débris de l’église des Célestins ayant été démolis, on avait reconstitué avec les bases et les dais originaux deux niches pour les deux statues.

Courajod avait à plusieurs reprises signalé l’importance de ces deux documents d’art parisien du xive siècle ; mais, presque invisibles en originaux, non moulés pour le Trocadéro, photographiés seulement dans la collection trop peu répandue du dessinateur Fichot, ils ôtaient loin d’être connus comme ils le méritaient. Il y avait donc grand intérêt à les mettre en lumière pour quelques mois à l’Exposition des Primitifs. Nous avions, de plus, la secrète espérance qu’une fois revenus à Paris ces fragments d’un édifice parisien ne retourneraient pas s’exiler dans l’ombre lointaine de la basilique, et, de fait, la commission des Monuments historiques a décidé tout récemment de leur éviter ce nouveau voyage et de leur donner au Louvre, sur l’emplacement même où s’élevait jadis le château de Charles V, décoré d’effigies analogues malheureusement disparues, un abri plus glorieux et plus digne.

Ces portraits sculptés, assez peu postérieurs à l’effigie peinte de Jean le Bon, brutale et fruste, nous montrent à merveille le degré de finesse et de maîtrise où étaient parvenus nos imagiers. L’attitude en est souple et vivante ; la draperie, sans sécheresse archaïque ni exagération de virtuosité, garde une élégance juste et précise, un style logique et simple qui est un héritage du xiiie siècle. De même,

  1. Cf. Courajod, Alexandre Lenoir, son journal, etc., t. I, p. 181-182.