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La formule rayonnera même bien loin de son lieu d’origine et c’est une de celles qui ont permis à M. Raymond Kœchlin d’affirmer l’expansion dans la Flandre de l’art purement français pendant tout le xive siècle[1]. Nous avions à l’Exposition un exemple de cet
vierge de l’annonciation, statue en marbre milieu du XIVe siècle
(Collection de M. Doistau)
art français transplanté dans les provinces septentrionales, avec la Vierge en marbre gris, originaire d’Aire-sur-la-Lys, prêtée par M. le Dr  Ed. Fournier[2]. Peut-être une nuance de familiarité plus lourde y décelait-elle, dans le visage de la mère ou dans l’attitude de l’enfant, la nuance propre de l’esprit flamand. Mais n’est-ce pas chez nous-mêmes que nous voyons se créer à côté de ces Vierges souriantes, précieuses et un peu minaudières, héritières des grandes dames du xiiie siècle, ces groupes d’un sentiment intime touchant, où la mère joue naïvement avec son enfant, parfois lui donne le sein : telle la Vierge qui fait le centre de la petite chapelle portative de M. Cardon[3] ou la statuette de marbre de M. Martin Le Roy[4]. Notre Fouquet, lorsqu’il créera, en plein xve siècle, sa Vierge de Melun ne fera que reprendre un de ces thèmes dont la familiarité traditionnelle lui permettra l’exhibition des beautés dont Agnès Sorel était si fière.

Un des points les plus frappants et les plus probants de l’étude de M. Kœchlin à laquelle nous faisions allusion tout à l’heure, c’est la rencontre en pays flamand, en plein xive siècle, de figures iconiques idéalisées, de tradition française, alors que, dès le début du siècle, prenaient naissance chez nous des effigies a intentions réalistes comme le Philippe le Hardi de Pierre

  1. Cf. La Sculpture flamande et les influences françaises au xive siècle (Gazette des Beaux-Arts, 1903, t. II).
  2. Catalogue, no 17.
  3. Catalogue, no 298.
  4. Catalogue, no 296.